L’Agence française anticorruption (AFA) est une agence de réglementation dont l’objectif est d’aider les entités des secteurs public et privé à « prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme ». Adopté le 9 décembre 2016 et entré en vigueur le 1er juin 2017, le projet de loi relatif « à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », également appelé Sapin II, a été à l’origine à la fois de la création de l’AFA et de nouvelles exigences pour les entreprises françaises pour développer un cadre de référence complet pour les mesures anti-corruption.
La loi Sapin II a été conçue sur la base de la loi Sapin de 1993, dite «∘Sapin I∘». Le 19 octobre 2021, une nouvelle version préliminaire de Sapin II, Sapin III, a été proposée pour approfondir l’engagement français dans la lutte contre la corruption. Elle viendra encore renforcer la prévention de la corruption et les processus de transparence et améliorera les outils de détection et de sanction.
Comment Sapin III va-t-elle changer le contexte de la conformité ? Nous passons ici en revue les étapes nécessaires pour atteindre la conformité à la loi Sapin II et ce qu’il faut surveiller pour se préparer à l’entrée en vigueur de Sapin III.
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Qu’est-ce que la loi Sapin II ?
Le Parlement français a adopté la loi Sapin II, ou loi n° 2016-1691 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique en décembre 2016. Elle est entrée en vigueur le 1er juin 2017. Elle porte le nom de Michel Sapin, ancien ministre français de l’Économie et des Finances, qui l’a préparée.
Afin d’aligner la France sur ses pairs européens et sur d’autres normes internationales, Sapin II établit des directives pour les programmes français de conformité des entreprises. Un des huit piliers (détaillés ci-dessous) de la loi Sapin II est la définition d’une procédure de signalement pour les lanceurs d’alerte. Ces procédures de signalement sont conçues pour fonctionner en tandem avec la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte, en vigueur depuis décembre 2021, qui interdit les représailles à leur encontre.
Trois principes directeurs guident la loi Sapin II :
- Moderniser l’économie
- Promouvoir la transparence
- Poursuivre la lutte contre la corruption
Comment respecter Sapin II : les directives de l’AFA
Depuis la première publication de ses directives pour les programmes de conformité des entreprises en 2017, l’AFA continue de les affiner et de les mettre régulièrement à jour. La dernière mise à jour date du 31 janvier 2022. L’AFA a établi huit composantes clés pour les programmes de conformité des entreprises, en se concentrant sur la détection et la prévention de la corruption à tous les niveaux.
Les huit exigences clés de l’AFA pour respecter la loi Sapin II
- Code de conduite : Sapin II exige un code de conduite d’entreprise. Il établit les attentes en matière de conduite des employés et des parties prenantes et la dispense d’une formation à jour sur la conformité.
- Ligne d’assistance téléphonique interne pour les lanceurs d’alerte et procédures de signalement : les employés doivent avoir accès à un système de signalement interne où ils peuvent signaler toute faute professionnelle potentielle ou les violations du code.
- Cartographie des risques : l’exposition de l’entreprise aux risques de corruption potentielle doit être identifiée, analysée, priorisée et régulièrement mise à jour.
- Diligence raisonnable des tiers : les tiers, notamment les fournisseurs, les clients, les prestataires et autres, doivent être surveillés conformément à la cartographie des risques mentionnée ci-dessus.
- Contrôles comptables : pour assurer la transparence de la tenue des registres, des contrôles comptables internes et externes doivent être instaurés.
- Formation des employés et des dirigeants : les employés et les responsables dits «∘à haut risque∘», c'est-à-dire régulièrement exposés à des possibilités de corruption, doivent être formés pour les identifier et les éviter.
- Politique disciplinaire : une politique disciplinaire doit être établie et documentée pour sanctionner les individus qui se seraient rendus coupables de corruption.
- Mesures de contrôle internes : les directives de l’AFA exigent la mise en place de processus internes, une documentation détaillée, une surveillance et des mécanismes d’évaluation de la conformité.
Qui est concerné par la loi Sapin II ?
Sapin II établit des normes anti-corruption plus strictes et donne des directives pour mettre en place des programmes adéquats et efficaces. Elle s’applique aux entreprises publiques et privées dont le siège social est situé en France, qui comptent au moins 500 employés et dont le chiffre d’affaires est d’au moins 100 millions d’euros. Les sociétés internationales dont l’organisation mère est basée en France et qui emploient plus de 500 employés sont aussi soumises à cette loi.
La non-conformité peut entraîner un avertissement de l’AFA ou l’imposition de sanctions graves. L’AFA se réserve le droit de rendre publique ses décisions et peut également infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 200 000 € pour les dirigeants individuels ou jusqu’à 1 million d'euros pour les entreprises.
Loi Sapin II, directive de l’UE sur la protection des lanceurs d’alerte et loi Waserman
Les États de l’UE avaient jusqu’au 17 décembre 2021 pour mettre en application la directive de l’UE sur la protection des lanceurs d’alerte. Même si Sapin II fournissait à la France un cadre de référence pour la protection des lanceurs d’alerte, la directive européenne établit des normes minimales que les 27 États membres doivent appliquer et vise à remplacer le patchwork de protections par une norme unifiée dans l’ensemble de l’Union. La directive comprend des protections supplémentaires pour les lanceurs d’alerte qui ne sont pas des employés et la possibilité de contourner les exigences de Sapin II en matière de signalement interne et de signalement externe dans certaines situations. La transposition de la directive a été considérée comme une opportunité de renforcer encore les protections pour les lanceurs d’alerte en France.
La France a été le neuvième État membre à transposer officiellement la directive européenne dans sa législation nationale. Le Sénat français a approuvé la nouvelle version préliminaire de la législation le 21 mars 2022, officiellement appelée « Loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte ». Soumise par le député français Sylvain Waserman et parfois appelée « Loi Waserman », elle doit être appliquée par les entreprises françaises avant septembre 2022.
Éléments clés de la loi Waserman
La loi Waserman conserve certains des éléments importants de Sapin II, notamment l’obligation pour les entreprises et les institutions publiques de plus de 50 employés et les municipalités de plus de 10 000 habitants de mettre en œuvre un système de signalement. Les autres éléments importants comprennent :
- Conformément à la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte, la loi Waserman inclut une définition mise à jour des lanceurs d’alerte
- Conformément à la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte, la loi Waserman inclut la possibilité de faire un signalement directement à un canal externe, sans obligation préalable de faire un signalement interne
- L’intégration de procédures de signalement dans les réglementations internes
- La détermination des personnes autorisées à accéder aux canaux de signalement
- La nomination d’une personne ou d’un service impartial et compétent pour assurer le suivi des signalements
- La mise en place d’un suivi diligent tout au long du processus de signalement, y compris pour les signalements anonymes
- La mise à disposition d’informations claires et accessibles sur les procédures de signalement externes
- Le signalement (écrit ou oral) et, sur demande du lanceur d’alerte, une réunion en personne planifiée dans un délai raisonnable
- Une nouvelle liste de mesures de représailles interdites et les sanctions correspondantes
- Des mesures de soutien financier et psychologique pour les lanceurs d'alerte
- Le renforcement et des clarifications supplémentaires pour les sanctions applicables (en raison de la mise en place d’une nouvelle chambre pénale)
- Une large extension de la portée géographique et la suppression des critères d’entité juridique liés aux sièges sociaux en France
Un décret supplémentaire du Conseil d’État français, publié en octobre 2022, inclut :
- Une garantie d’indépendance et d’impartialité du système
- Des délais de traitement des signalements conformes à la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte qui imposent l’accusé de réception dans un délai de sept jours et l’information du lanceur d’alerte sur les mesures prises dans un délai maximal de trois mois En cas de signalement anonyme, ces délais ne s’appliqueront pas.
- Des procédures pour la clôture des signalements et pour le recueil et le stockage appropriés des données
- Les conditions dans lesquelles les signalements peuvent être collectés par une tierce partie et confiés à cette dernière
Vous souhaitez en savoir plus sur la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte ? Lisez une analyse approfondie dans Le guide ultime pour respecter la directive de l’UE sur les signalements.
Qu’est-ce que la loi Sapin III ? Quoi de neuf en 2022 ?
Malgré la mise en œuvre des lois Sapin II et Waserman, deux améliorations notables dans la lutte contre la corruption, la France se classe toujours au 23e rang à l’indice mondial de perception de la corruption de Transparency International (en baisse par rapport à 2018). Les députés Raphaël Gauvin et Olivier Marleix ont mis plus de cinq mois à faire aboutir la mission d’évaluation lancée en 2020 dans le but d’améliorer et d’évaluer Sapin II. En travaillant avec les parties concernées françaises, ils ont présenté un rapport comprenant 50 recommandations. Publié en juillet 2021, ce rapport visait à :
- Clarifier l’organisation institutionnelle de la politique anti-corruption française
- Garantir de meilleures protections juridiques et financières pour les lanceurs d’alerte
- Améliorer la transparence des décisions publiques en développant le répertoire des représentants d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP)
Suite aux recommandations du rapport, un projet de loi Sapin III a été proposé le 19 octobre 2021. Les trois éléments les plus importants sont :
- Les modifications proposées ne reprennent pas explicitement les huit piliers fondamentaux de la loi Sapin II
- La suppression du critère exigeant que le siège social des sociétés mères soit en France
- L’inclusion des acteurs publics et la précision du rôle que joue l’HATVP dans le contrôle de ces acteurs dans la lutte contre la corruption. L’AFA conserve son rôle de conseiller et continue à surveiller les acteurs économiques.
Bien que la France ait pris du retard par rapport à ses homologues européens en matière de législation anti-corruption, la loi Sapin II a donné une impulsion décisive à ses efforts. Et Sapin III se prépare à prendre le relais. Même si l’avenir de Sapin III reste incertain, notamment dans le contexte politique actuel de la France après les élections mouvementées de 2022, le pays a clairement démontré une volonté constante de renforcer ses efforts en matière de lutte contre la corruption.
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